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« L », 15 ans, entre en seconde après avoir fait toute sa scolarité à la maison

Sa maman raconte  (décembre 2023)

 

On a fait l’IEF (Instruction en famille) avec le fiston depuis le tout début, et il a fait sa première rentrée scolaire cette année à 15 ans en seconde.

On a commencé du temps où l’instruction n’était obligatoire qu’à partir de 6 ans et les contrôles moins contraignants : mais les réactions de l’entourage et de la famille ont été plus que sceptiques au départ.
Surtout que L. ne parlait toujours pas à 3 ans (il avait un développement très atypique, ce qui était une des raisons pour lesquelles je n’avais pas spécialement envie de l’envoyer en maternelle à ce moment), donc on nous a prédit les pires catastrophes, qu’il ne parlerait et n’écrirait jamais, qu’il serait complètement asocial, etc.

Enfin bref : niveau méthodologie on a souvent changé notre fusil d’épaule, depuis l’unschooling total jusqu’à ses 7 ans je dirais, puis des périodes + formelles. Tous les ans je faisais autrement, en gros, avec un loustic pas toujours réceptif à certaines choses et qui même avec de la bonne volonté butait parfois sur des trucs complètement basiques alors qu’à côté il comprenait en un clin d’œil des choses beaucoup + complexes.

À partir du niveau collège on a commencé à se rapprocher du programme de l’EN, mais en gardant la souplesse de l’IEF : on a parfois bouclé le programme d’un cycle complet en 6 mois dans une matière, ou inversé complètement l’ordre des notions, ou repoussé parfois certaines de 2 ou 3 ans car il n’était pas prêt.

L’année de sa « 5e », on a beaucoup joué. On éprouvait une lassitude du côté scolaire tous les deux, et il pensait être nul en maths. On a regardé des chaînes YT extraordinaires, on a bricolé, on a parlé 4e dimension, on a construit une intelligence artificielle en papier… J’ai fabriqué des tonnes de jeux. Et on a vécu un contrôle fabuleux avec des profs et un inspecteur ravis de tout ce qu’on leur montrait. C’était une année pour « réenchanter » l’IEF et ensuite on a pu se remettre dans le bain du programme de l’ÉN.

Au niveau sociabilité (la fameuse), il n’a jamais été du genre à avoir plein de copains, juste quelques-uns. Il a toujours été très bien tout seul, et ces dernières années, covid aidant, il était devenu franchement un geek plutôt asocial avec les enfants de son âge (ça a toujours été avec les adultes).
Et jusqu’à il y a encore moins d’un an il répétait à qui voulait l’entendre qu’il n’irait jamais à l’école parce que c’était nul (pourtant je ne l’avais jamais braqué contre, et son meilleur ami de l’époque a toujours été scolarisé : on ne restait pas du tout dans une bulle IEF). Ce n’était pas le roi de la nuance dans ses prises de position.

Honnêtement il y a plein de moment où j’ai douté à mort, je me disais qu’il n’arriverait jamais à s’intégrer nulle part, je me demandais ce qu’il deviendrait plus tard (sachant que ce n’est pas un manuel ni un artiste).

On n’a jamais bossé + que 2 ou 3h par jour, quasiment jamais le matin. Il n’a jamais eu de contraintes horaires pour le lever ou le coucher.
Depuis janvier 2022 je suis en covid long, donc très fatiguée, brouillard mental, douleurs, etc. L’IEF était devenue compliquée, et c’était L. qui me rappelait de le faire bosser. Il est devenu très autonome à ce moment-là de manière générale (il l’était déjà pour les choses qui l’intéressaient comme l’informatique).

À la dernière inspection en février dernier, on a reçu un avis positif pour continuer mais l’inspecteur nous a quand même conseillé d’aller aux portes ouvertes des lycées et d’y réfléchir. Très rapidement, il a décidé de tenter le lycée à la rentrée suivante. Il y en avait un qui ouvrait à 5km de chez son père et il préférait y aller plutôt que près de chez moi. En attendant il a bossé (souvent sans moi) pour le brevet. Comme jusque-là il avait fait norvégien en 2nde langue (en autonomie avec des applis) et qu’au nouveau lycée il n’y avait le choix qu’entre allemand et espagnol, il s’est mis à l’espagnol en avril, moitié en autonomie et moitié avec moi (j’avais quelques souvenirs). Il s’est entraîné à prendre des notes avec des vidéos de profs sur youtube car il ne l’avait jamais fait jusque-là. Il a couru et fait du vélo tous les jours pour gagner en endurance (il n’avait quasiment jamais fait de sport). Il a aussi commencé à s’emm…, ce qui était nouveau, et je l’ai laissé sans chercher à l’aider. Déjà j’étais HS, et puis je me disais qu’il apprécierait d’autant plus d’être occupé à la rentrée.
Il est parti chez son père plutôt confiant au niveau scolaire pour la plupart des matières (il avait eu son brevet en ratant la mention TB d’un cheveu), mais assez angoissé à l’idée d’être dans une classe de 35 élèves toute la journée, en pensant que s’il arrivait à s’entendre à peu près bien avec un camarade pour le boulot ça serait le maximum.

Perso je n’ai pas stressé car j’étais trop fatiguée pour ça, mais si j’avais été dans mon état normal je n’aurais pas dormi les 6 mois avant la rentrée tellement j’aurais eu peur que ça se passe mal, qu’il joue son côté « j’aime bien être différent des autres quitte à raconter n’importe quoi » ou « de toute façon ça c’est nul et puis voilà », que pour le travail en groupe ça allait être l’enfer… J’avais des connaissances dont la scolarisation tardive (au collège souvent) de leurs enfants s’était super bien passée mais je ne pensais pas que ce serait son cas à lui.

Et donc bref, vous l’aurez deviné, tout roule pour le moment.
Il s’est fait un pote dès le 2e jour, il est super bien intégré dans sa classe. Il adore ses profs, le proviseur, les surveillants, la CPE, la cantine (lui qui était la plupart du temps mr riz/pâtes à la maison)… Il a des résultats et des appréciations d’enfer partout, y compris en espagnol (il a eu les félicitations au conseil de classe au premier trimestre avec un bulletin comme je n’en ai jamais vu). Il participe à fond dans toutes les matières et le prof de Français est particulièrement content… alors qu’ils ont fait un trimestre surtout consacré à la poésie et que moi j’ai jamais réussi à lui faire pondre la moindre phrase à propos de poésie, qu’il trouvait ça débile, qu’il n’avait jamais appris un poème de sa vie, qu’il était hermétique à la moindre règle de grammaire (« c’est pas logique ! »). etc.
J’ai aussi passé des années à me battre pour qu’il fasse des phrases complètes quand il répondait à une question… et maintenant il essaye de faire des phrases élégantes dans ses devoirs de science, il traque les répétitions… C’est trop drôle...

Il avait une écriture atroce : pareil, j’ai dû batailler pour qu’il harmonise un peu ses lettres (le « s » ou le « r » en cursif au milieu des lettres bâtons c’était illisible), il écrivait de travers, il était incapable de faire un devoir sans rajouter des blagues ou des petits dessins (on effaçait tout ça avant les inspections lol). Maintenant il a des cahiers hyper soignés et bien présentés. (Il rajoute toujours des blagues pour un de ses profs qui apprécie ce genre d’humour ^^). Enfin vous voyez le genre, ce n’est plus le même.

Ah, aussi il est au top en anglais, sa prof est complètement fan et lui suggère une carrière littéraire, le remercie (littéralement, elle l’écrit sur ses copies) à chaque devoir… Alors qu’il n’a jamais pris un cours d’anglais de sa vie, qu’il a appris tout seul, d’abord en jouant à minecraft, puis en regardant des vidéos de programmation, puis en cherchant des infos, etc. Ça c’est pour le côté unschooling 😉

Il se lève à 6h30 du matin, il prend le bus pour aller au lycée, il est demi-pensionnaire… Il a jamais eu un retard ou une panne d’oreiller. Pas besoin d’être derrière lui pour quoi que ce soit, il est complètement autonome et n’a jamais rendu un devoir en retard. Son prof principal (c’est le prof d’HG et d’EMC, qui sont pourtant des matières dont il n’est pas spécialement fan) a dit que de ne pas avoir été au collège lui gardait une certaine naïveté (au sens positif du terme) qu'il fallait essayer de garder, et qu'il était l'un des moteurs de la classe.

J’espère que ce témoignage peut redonner un peu de confiance à ceux qui auraient des moments de doute, et Dieu sait que j’en ai eu beaucoup ces dernières années.

L’unschooling, même s’il peut être partiel, seulement pour une matière, ça peut fonctionner super bien.
Ce n’est pas parce que vous avez du mal avec votre enfant à un instant T que 6 mois plus tard il ne fera pas des étincelles, éventuellement avec quelqu’un d’autre.
Peut-être que certains parmi vous regrettent parfois de s’être lancés dans l’IEF parce que vous avez l’impression que votre enfant ne pourra jamais aller à l’école et qu’à un moment vous aurez envie qu’il y aille, ou que les aléas de la vie feront qu’il faudra changer de façon de faire… Mais vous aurez peut-être une sacrée bonne surprise si ce moment doit venir.
Ce n’est pas parce qu’avec vous votre enfant est renfermé et asocial qu’il le sera ailleurs, ou parce qu’il n’a jamais eu l’habitude de se lever tôt, de travailler le matin, de respecter des tonnes de consignes, de travailler en groupe… que ça lui posera forcément problème s’il doit le faire un jour.

Bref, je suis très contente que l’IEF soit finie mais je ne regrette absolument rien : il a pu évoluer à peu près à son rythme pendant ses 15 premières années, passer des heures à apprendre ce qui l’intéressait, entretenir sa curiosité, et ensuite prendre lui-même la décision de tenter l’aventure scolaire et en être finalement ravi. Moi je me suis éclatée les 13 premières années (en comptant à partir de sa naissance), c’était super de le voir se relever parfois à minuit pour réfléchir à un problème de maths, j’ai appris plein de choses en même temps que lui.

Bref, je vous souhaite à tout de belles périodes d’IEF et faites confiance à vos enfants 🙂

 

 

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